So critique

Série – J’aime l’anatomie de Grey

Grey’s Anatomy, c’est comme le vin, ça se bonifie avec le temps et il faut prendre son temps pour la déguster

Bon, ok, j’aurais pu trouver une meilleure métaphore, surtout que je n’aime pas le vin.

Je vous préviens tout de suite : je ne m’apprête pas à écrire un article ironique car j’aime pour de vrai cette série, et pas que pour les histoires de cul.

Attention, il y aura des tous petits mini spoilers, car j’expose certaines situations qui se présentent dans la série. Cependant, je n’explique pas comment elles sont résolues.

 

 

Bon, on peut commencer oui ?

Tout comme beaucoup de séries américaines qui n’ont pas vraiment d’intrigue, Desperate Housewives par exemple, il faut bien créer des obstacles pour les personnages. Il y a dans Grey’s Anatomy une accumulation de catastrophes assez impressionnante et plutôt lassante pour relancer l’intérêt des spectateurs constamment. Chaque saison apporte une nouvelle bombe/inondation/accident de voiture/d’avion etc, accompagnés de leurs morts. C’est, me direz vous, tout à fait crédible, j’ai d’ailleurs hier encore échappé de justesse à une météorite.

 

Malgré ce défaut, le scénario tissé autour de ces petits incidents tout à fait banals se tient relativement bien. Les évènements sont traités, la plupart du temps, de manière intéressante d’un point de vue psychologique ; de nombreuses questions éthiques sont posées et font réfléchir, même si ce sont souvent des aventures extrêmes que vivent les personnages.

En même temps, on n’est pas là pour regarder mémé faire du tricot et hésiter sur la couleur de sa laine. Ce sont les cas extrêmes qui sont les plus intéressants en art. L’auteur veut exacerber les tensions, mettre ses personnages dans des situations exceptionnelles et voir comment ils réagissent, comme une espèce de laboratoire, en fait.

 

May the spoil begin:

Un homme ayant été dans le coma pendant 20 ans et dont on se rend compte qu’il est en fait possible de le réveiller : faut-il le faire, alors que sa femme l’a oublié depuis longtemps et a refait sa vie ?

Un condamné à mort dont la sentence aura lieu quelques jours plus tard, qui a un organe compatible avec un enfant dont l’état est critique : faut-il le sauver puisque de toute façon il mourra bientôt ?

Une femme enceinte en état de mort cérébrale que les parents veulent garder sous respirateur afin qu’elle puisse continuer à porter son enfant : une femme peut-elle servir d’incubateur ?

Un médecin qui a échangé pour un essai clinique les dossiers des patients, afin qu’une femme qui lui est chère reçoive le traitement actif : est-ce éthique, alors que ce geste met en péril l’intégrité de l’essai clinique ?

Bref, comme vous le voyez, on se creuse un peu la tête.

Quand on traite des histoires de médecins, comment passer à côté de cela ? Et dans cette série, c’est merveilleusement bien traité, avec souvent un très bon jeu d’acteur.

Cela pose aussi souvent le paradoxe des médecins, qui sont là pour sauver des vies, mais qui n’auraient plus aucun rôle si personne n’était malade. On assiste souvent à des « Youpi, un accident de voiture, il va y avoir plein de cas intéressants ! ». Je sais pas si vous, quand vous vous ouvrez le crâne, vous êtes heureux pour les médecins qui vont pouvoir traiter ce super cas.

Et il y a très souvent la question de l’importance du travail dans la vie d’un médecin : à quel point peut-on mettre de côté sa vie de famille ? Peut-on reprocher à son conjoint médecin de trop travailler, quand il sauve des vies et recolle des familles qui sans lui auraient été déchirées ? Chacun de ces chirurgiens fait un choix différent par rapport à ce problème, et il n’y a pas de solution miracle de proposée. C’est également un aspect très agréable de la série : on ne nous sert jamais de morale à deux balles, on voit juste des êtres humains se démerder comme ils peuvent avec ce qu’ils ont.

 

Et même en mettant l’aspect médical de côté, puisque nombreux sont ceux qui affirment qu’il n’est pas développé dans la série, l’écriture des personnages est très juste et travaillée. Leur évolution est cohérente et intéressante. Attention au spoil.

Meredith, par exemple, dont la palette d’émotions se compose de la lassitude, du désœuvrement et de l’ennui, est confrontée à des questions intéressantes. Fille d’une chirurgienne ultra réputée, elle est tiraillée entre son intérêt pour la médecine et son envie de se démarquer de sa mère. Alex, celui qui évolue le plus dans la série, passe d’un con fini à un pédiatre confirmé, sensible et loyal, et chacun de ses choix est justifié et tient la route. Izzie doit faire face à un cancer et à travers ce personnage on peut prendre la mesure de ce qu’une personne malade peut vivre. Elle a également tendance à s’attacher aux patients, ce qui conduit à de nombreux épisodes intéressants. Arizona, lesbienne sûre d’elle et affirmée, qui refuse qu’on la martèle de clichés, qui lutte sans arrêt pour garder une image de femme forte et indépendante ; en particulier après être devenue handicapée.

 

… Et enfin Cristina est mon personnage préféré. C’est un médecin très ambitieux mais aussi une femme qui ne veut pas d’enfant. Cela la bouffe, à cause de sa relation de couple qui en pâtit et à cause de l’opinion des autres. Il est très intéressant de voir comme elle et son mari gèrent cette situation insurmontable, tiraillement entre leur amour inconditionnel et l’inéluctabilité de l’échec de leur relation puisque jamais ils ne voudront la même chose… Cette situation est traitée de manière absolument vraie et puissante, souvent violente, souvent intense, où les personnalités des personnages ne sont pas trahies, à aucun moment. On assiste à des dialogues magnifiques sur cette douleur, ce mur qui se dresse entre deux personnes qui s’aiment sans se comprendre, car il n’y a rien à comprendre ni à expliquer. La question du désir d’enfant est traitée à plusieurs reprises dans la série, d’une manière assez nouvelle pour une série télé.

 

Bref, cette série a ses faiblesses, mais elle est tellement sincère au fond, elle veut faire passer énormément de messages sur la complexité de la vie, elle ne se contente pas de raccourcis, elle se confronte à la difficulté et ne tombe pas tant que ça dans des relations bateaux avec des problèmes de couple bateaux. Je pense que tout le monde peut s’identifier, à un moment ou à un autre, à l’un ou l’autre des personnages qui sont souvent attachants et souvent agaçants, comme n’importe qui.

 

Un petit plus de la série, c’est l’auto-dérision des scénaristes, qui se moquent eux-mêmes des clichés d’écriture qu’ils emploient, comme quand un patient fait remarquer que décidément, il n’y a que des bombes dans cet hôpital.

 

Un humour, une sensibilité, une légereté, une sagesse sans jamais prendre parti, qui saura vous convaincre si vous donnez une chance aux premières saisons.

 

Bon, après, Cristina est partie, et moi j’ai arrêté de regarder, faut pas déconner.

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